Les refuges protestants


La religion protestante a été imposée dans toute la campagne entourant Genève au XVIème siècle, pendant environ 50 ans.

Lors de la recatholicisation de la région dépendant de la Savoie, dont Bardonnex, à la fin du XVIème siècle, plusieurs membres de la famille choisirent de rester protestants et émigrèrent non loin, à Genève, à Russin et à Versoix (rive droite du Rhône, alors territoire français).
Seul l'aîné de famille reste sur place, conserve le domaine familial.

Quand le Pays de Gex sera à son trou recatholicisé, à la fin du XVIIème siècle, le même phénomène se reproduira : seul l'aîné reste à Versoix et ses frères émigrent dans le Pays de Vaud tout proche.

Les cousins séparés par la religion et par quelques kilomètres restèrent cependant longtemps en contact, comme en témoignent les prêts que les uns, plus riches, firent aux autres.




Synthèse des déplacements des Mégards dans la région genevoise lors des deux refuges




Premier refuge

La campagne genevoise est convertie au protestantisme avec l’arrivée des bernois en 1536, aussi bien Bardonnex que Versoix.

Antoine fils de Saturnin Mégard a grandi à Bardonnex dans un contexte fortement dominé par l’administration bernoise et la “religion prétendument réformée” : le secrétaire du bailli. Jean Delamontagne, résidait à Bardonnex.
Un ministre du culte officiait à Compesières, qui accueillait aussi parfois le “consistoire” du bailliage (tribunal des moeurs).
En 1567 “Leurs Excellences de Berne” cèdent leurs conquêtes au duc de Savoie avec promesse de laisser les gens pratiquer leur religion, mais le duc Charles-Emmanuel est en guerre contre Genève dès 1589 et demande de rétablir les curés dans les bailliages anciennement bernois. “Peu à peu tous les habitants des bailliages revinrent à la religion catholique et allèrent en masse abjurer à Thonon” .

Il est certain que sur les quatres fils de Saturnin, au moins deux quittèrent Bardonnex et conservèrent leur religion : on retrouve tous les enfants d’Antoine à Versoix et son neveu Thyvent communier à Russin. Quant à Jean fils de Pierre, il semble être à Genève en 1607 pour baptiser sa fille Pernette.
Le fils aîné, Jean, dut abjurer pour poursuivre l’exploitation du domaine familial à Bardonnex (et certains de ses descendants Mégard y vécurent jusqu’au milieu du XIXe siècle).




Généalogie simplifiée XVIe siècle


Les réfugiés protestants affluèrent par milliers à Genève, surtout entre 1545 et 1560. Parmi eux, “des habitants des terres savoyardes proches de Genève (cherchant) à se soustraire à la recatholicisation des anciennes possessions bernoises. Mais il est aussi possible qu’ils aient dû se replier sur Genève à cause de la misère et du chômage qui régnaient dans les campagnes à cette époque” (Liliane Mottu, “La Réforme à Genève : aussi une histoire de réfugiés”, in Les Cahiers protestants, juin 1986).

Guerre et peste

La guerre de 1589 a causé de grands troubles dans la région. Des paysans s’étaient réfugiés à Genève et ne pouvaient moissonner leurs blés que pendant les trêves. Le pasteur Jean Du Perril témoigne : “Le mardi 15e juillet l’ennemi non seulement brusla plusieurs bleds, mais aussi blessa plusieurs personnes tant hommes que femmes qui estoyent en la moisson de là Arve, emmena aussi quelques femmes ou filles prisonnieres, tua aussi quelques enfants qui glanoyent” (“Journal de la guerre de 1589”, SHAG 1952).
 
Un autre témoin de l’époque note sur son carnet de route en 1595 : “Versoix est une petite ville, située au bord du lac, détruite, il est vrai, dans les dernières guerres et où n’habitent plus que misérables mendiants qui rôdent dans le pays” (Jean-Pierre Ferrier, "Histoire de Versoix", p.27).

De plus, la peste et les mauvaises récoltes se succèdent, causant cherté et disettes . Dès qu’il reprend possession des lieux, l’état savoyard édicte des mesures contre la peste : “De la part de son altesse et par commandement du seigneur juge maje de Gex, Ternier et Gaillard : Sont faites iteratives inhibitions et défenses a tous, de quelque estat quallite qu’ils soient, de ne hanter ny pratiquer aux lieux infects de la contagion de peste (ni) commerser avec les habitants et austres venant desdicts lieux. Et ce à peyne d’estre séparés et reserrés pour six sepmaines et de cinquante livres fortes contre un chescun contrevenant et du fouet et bampnisement perpétuel contre les non solvables. (…)” (septembre 1568).

On sait qu’en 1602 le duc de Savoie fit une dernière tentative armée contre Genève.

En quoi tous ces évènements affectèrent directement la famille Mégard et incitèrent les fils cadets de Saturnin à quitter Bardonnex, il est très difficile de le savoir.
Le 24 juillet 1589 un Antoine de Bardonnex (s’agit-il du même ?) voit son fils Jean âgé de sept ans seulement mourir en ville de Genève : Antoine est vraisemblablement passé par Genève, il y est peut-être mort puisque lors de la première mention de son fils aîné à Versoix, il était déjà décédé. Vingt et trente ans plus tard, nous retrouvons les quatre enfants d’Antoine et sa femme à Versoix, terre alors protestante et riche de possibilités.

En résumé : Face à la recatholicisation, à la disette, à la guerre, les frères cadets de Jean Mégard quittent Bardonnex. Les fils de l’un d’eux, Antoine, s’établissent à Versoix vraisemblablement entre 1590 et 1607.




Généalogie simplifiée XVe et XVIe siècles : aspects religieux



Second refuge

Cette situation de refuge religieux se répétera à la fin du siècle suivant quand le pays de Gex sera à son tour recatholicisé : Jean Mégard fils aîné de Raymond garde le domaine, tandis que son frère Jean-Marc s’établit à Commugny et que ses cousins Pierre et Charles sont à Mies et à Genève.


 



Lieux habités par la famille Mégard de Versoix,
de part et d'autre de la frontière (points rouges) entre la France et le Pays de Vaud
(sur fond de carte moderne, où on distingue l'actuelle frontière entre Genève et Vaud, ainsi que l'autoroute)
 




Généalogie simplifiée de ceux de Versoix au XVIIe siècle : aspects religieux