Violette Mégard 1876-1951





Violette vers 1915




Violette, sa famille, ses cahiers

Violette Mégard est née le 13 avril 1876 à Genève et elle y est décédée le 5 janvier 1951. Elle s’est convertie au catholicisme le 23 juillet 1915, à l’âge de 39 ans.
 
Elle est la fille aînée de Claude Henri Mégard  et de Marie Golay . Elle a deux petits frères : Henri (1883-1967) et Milio (ou Emile) (1887-1976). La famille vit à Genève, brièvement à Paris (naissance de Henri), de nouveau à Genève, puis s’établit à Turin (naissance de Milio). Violette a épousé en 1897 Fritz Rochat, dit Frédéric ou Fred, et ils ont eu trois garçons : Eric, Georges-Henry et Armand nés en 1898, 1901 et 1907.

Dès l’âge de 15 ans, Violette met par écrit ses réflexions sur la religion et sur sa vie.
Les cahiers qu’elle a conservés et qui nous sont parvenus se divisent en : son cahier intime (1892-1925, sept cahiers), le récit de sa conversion (1915-1917, un cahier), des méditations sur les apports du catholicisme (1937, un cahier) et ses "Souvenirs" où, à 66 ans, elle reprend et complète les cahiers précédents. Des lettres, un cahier rédigé par son mari et quelques annexes viennent compléter se remarquable témoignage.

La famille paternelle de Violette était catholique, mais non pratiquante. Le cardinal Gaspard Mermillod était un lointain cousin célèbre.
Du côté maternel les ascendants sont protestants, de la Vallée de Joux, des "huguenots français réfugiés en Suisse" (cahier 11, p. 41).
Et  Violette suit l'instruction religieuse dans la petite communauté protestante de Turin où la famille réside alors. Elle est particulièrement influencée par le pasteur Henry Appia, du courant évangélique.

Elle se marie en 1897 à un vaudois bien protestant et s'établit avec lui en Suisse à Lutry où il est "régent" (instituteur), puis à Cartigny, puis à Onex tout près de Genève.

Dans ses cahiers elle parle peu de sa vie extérieure, de ses relations, de sa famille. Pour l'essentiel il s'agit de ses tourments intérieurs. Violette donne l'image d'une femme plutôt mystique, à la santé fragile.
Elle a vécu à une époque très conflictuelle concernant les relations entre Etat et Eglise et entre les Eglises à Genève, sans compter la première guerre mondiale.

Albina

La personne qui a accompagné son cheminement spirituel, qui a peut-être provoqué sa conversion, c'est une amie d'enfance rencontrée à l'école primaire publique à Turin : Albina (Matthey, très vraisemblablement).

"J’aime mon amie de tout mon cœur, et je soupire souvent après elle. (...) Je l’aime de tout mon cœur, nous nous comprenons sans même avoir besoin de nous causer, elle a beaucoup de bonnes qualités et de nobles aspirations …  cela me fait vraiment de la peine qu’elle ne soit pas de notre religion (…) je la considère comme malade ".  (1893)

Violette se marie en 1897 et quitte l'Italie, elle reste en correspondance avec Albina qui, elle, fait des études et devient professeur d'histoire.
Mais un jour Violette apprend qu'Albina est entrée au couvent et va prononcer ses voeux. Elle va alors lui rendre visite dans son couvent d'Ursulines près d'Ivrea, en mai 1913. Violette était partie avec la ferme intention de dissuader son amie, mais sur le chemin du retour c'est elle qui vit un "prodige" et a soudainement la conviction profonde d'appartenir à l'Eglise catholique.

"Tout à coup je sens la glace de mon cœur fondre, une sensation nouvelle, ardente et délicieuse m’envahit ! Je ne suis plus seule ! je sens, je sais que Dieu est là, tout près de moi".

Albina meurt en 1918 après des mois de maladie et de souffrances.

Conversion

Un extrait de l'été 1914 donne une idée des tiraillements intérieurs qui ont habité Violette :

"J’éprouve un tel besoin d’épanchement, je me sens le cœur si serré, je vis dans une telle obscurité qu’il faut que j’écrive, que je parle au moins à ces pages insensibles.
La solitude morale ! J’en ai toujours souffert, mais jamais comme maintenant où elle succède à une période de fortes émotions spirituelles, à une période de luttes, de souffrances, de combats, mais aussi à une période de vie intense, de progrès spirituels, de communion divine, de présence de Dieu en moi ! Maintenant … maintenant ! Où vais-je ? que fais-je ? Où est le devoir ? où est le chemin ? Je ne sais plus ! Tout est noir autour de moi et, ce qui est bien pire, c’est que le ciel est fermé au dessus de moi !
Je suis toujours plus frappée par le dualisme qui est en nous ; je vis deux vies, et cela depuis toujours, mais très spécialement ces dernières années. Madame Rochat va, vient, vaque à ces occupations d’épouse et de mère, lutte avec les mille petites difficultés de la vie journalière – elle est heureuse, est aimée de son mari et le lui rend de tout son cœur ; elle a une vie calme, exempte de soucis, est souvent gaie, enfant parfois …
et il y a l’autre ! La vraie Violette que Dieu seul connaît, qui souffre, qui languit, qui lutte, qui se sent hors de sa voie (…)"


Violette rencontrera des pasteurs et des prêtres, elle aura de longues discussions avec son mari. Elle va lire beaucoup, tenter de mieux connaître la religion catholique. Mais c'est une tension continuelle et souvent soit elle, soit son mari, sera malade.

Violette a une correspondance avec le Père Sautier, qui lui a été recommandé par Albina. Finalement elle se décide et va à Turin, puis à Almese (où se trouve maintenant le couvent d'Albina, dans de meilleures conditions matérielles) pour son "abjuration" et sa conversion au catholicisme. La cérémonie a lieu le 23 juillet 1915, en présence de l'évêque de Suse et de sa suite, du curé d'Almese et d'autres prêtres. Ses parrains sont Albina et le Père Sautier.

"Je lus sans défaillance jusqu’à la fin le long formulaire, je le signai. Je ne puis rendre ici mes impressions ; il me semblait que mon cœur était déchiré ; ô ma Genève, église de Genève, j’étais détachée à jamais de vous !"

Cependant sa conversion n'est pas rendue publique dans sa famille (sauf son mari) et parmi ses proches à Genève. Violette se cache pour aller à la messe. Elle découvre peu à peu, lentement, la communauté catholique genevoise.

Son grand souci est la conversion de son mari, de ses enfants, de ses petits-enfants. Même si au moment de sa propre conversion elle était soucieuse que cela ne porte pas préjudice à son mariage.

Elle continue à écrire dans ses cahiers intimes, quoique beaucoup moins souvent.
Agée de 66 ans, elle reprendra tous ses cahiers et les lettres qui lui restent (elles en a brûlé beaucoup en 1914, mais celles écrites à Albina lui ont été rendues), et rédige un long témoignage sur son itinéraire spirituel dans cinq grands cahiers.







Violette et sa famille : Fred Rochat son mari et leurs enfants Eric (1898), Armand (1907) et Georges (1901)
Photographie prise vers 1915











Les dix premiers cahiers rédigés par Violette


La page de titre du premier cahier : 1892.

Ses pages étaient scellées par des bandes collantes pendant un certain temps !





Cahier 1 page 28 : 1er avril 1893

Très influencée par l'instruction religieuse évangéliste, Violette adolescente est scandalisée par les rites catholiques qu'elle observe autour d'elle, à Turin.
"J'assiste à des scènes dignes de pitié ! Confessions, courses dans les églises, jeûnes , messes ... oh ! que c'est triste (...)".





Cahier 6 page 30 : 23 octobre 1915

Récit de la cérémonie de conversion à Almese près de Turin.
"Ce fut d'abord sur le seuil de la Chapelle que je dus me tenir et que je reçus les onctions saintes et le sel sur les lèvres ; symboles profonds et touchants !"




Cahier 8 page 3 : 24 août 1915

"Il y a hier un mois que je suis catholique".




Cahier 10 page 1 : 28 septembre 1937

Violette fait le bilan de "Ce que l'Eglise (lui) a donné".











Découpage et collage d'un portrait sur fond de religieuse, annexé aux derniers cahiers.
Il s'agit très certainement de son amie d'enfance Albina.






Le portrait d'Albina ?